myriam
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| Sujet: Comment notre spiritualité nous construit comme Homme ? 15avril 2012 à Vercel Mar 22 Mai 2012 - 17:51 | |
| Bonjour, Michel de Besançon a eu la gentillesse de partager avec nous le texte de son intervention sur le thème « Spiritualité et construction de soi » (lors du « Rassemblement des mouvements et associations de fidèles » le 15 avril 2012 à Vercel dans le Diocèse du Doubs).Je trouve personnellement sa vision très belle, en tout cas elle me parle . P.S.: il accepte les critiques - Citation :
« Rassemblement des mouvements et associations de fidèles » 15 avril 2012 à Vercel
Forum n° 5 :
« SPIRITUALITÉ ET CONSTRUCTION DE SOI »
« Comment notre spiritualité nous construit comme Homme ?».
« Comment notre spiritualité nous construit comme Homme ?».
Belle et bonne question posée par les organisateurs du rassemblement d’aujourd’hui. Question assez nouvelle. Il y a une trentaine d’années, le mot de spiritualité n’était guère utilisé. Probablement aurait-on alors parlé de foi, ou de religion, plutôt que de spiritualité ? On aurait sans doute dit : « comment notre foi.... ? »
Utiliser ce mot de spiritualité, est-ce un effet de mode ? Ou plus profondément n’est-ce pas plutôt, - comme nous le pensons-, un signe des temps, et signe riche de sens ?
Sans doute pourrait-on, sans trahir la question, la formuler autrement, et dire par exemple ; en quoi l’expérience spirituelle construit l’être humain ? Et le thème du Forum pourrait être exprimé ainsi: « Spiritualité et construction de soi »...
Dans ce bref exposé introductif, nous n’allons pas répondre, - à votre place ! -, à la question.
Nous voulons seulement vous proposer un cadre de référence pour cette réflexion et cet échange. Nous vous suggérerons ensuite quelques questions pour les travaux de groupe où, pour une large part, nous partirons de notre expérience, notre expérience individuelle, et celle des gens que nous connaissons.
Mais pour commencer, nous voudrions d’emblée nous situer dans une ouverture au monde qui vient, aux aspirations spirituelles qui animent beaucoup de nos contemporains, à commencer par les plus jeunes d’entre nous.
Nous vous proposons ce matin six points de repère.
Repère 1. Un regard sociologique
Tentons un petit exercice d’imagination : essayons de « voir » la « situation spirituelle » que nous vivons aujourd’hui en la comparant avec celle que vivaient les générations qui nous ont précédés, il n’y a pas si longtemps. Ainsi, pour prendre un exemple concret et imagé : ce qui se vivait dans un village du Haut Doubs, en 1912, à un siècle de distance de 2012 (1912à 2012).
À l’époque, la religion catholique y était dominante, et assez traditionnelle. Elle nous dictait une conduite morale, souvent des choix politiques. Alors pas de présence de l’Islam, ni d’une autre religion, hormis le protestantisme. Si l’on était incroyant, mieux valait le plus souvent ne pas trop l’afficher. La France était agricole et rurale. La révolution industrielle, puis celle des services et des nouvelles technologies, étaient encore loin.
Quel contraste entre cette image de 1912 et les images que nous voyons aujourd’hui en 2012 !
Je vous propose deux images pour illustrer ce contraste :
1/ La première image peut sembler peu favorable à l’essor spirituel.
Depuis quelques décennies notre société est devenue multiconfessionnelle, multiculturelle. On peut ajouter encore : une société laïcisée, ultra technicisée et pour une part souvent désenchantée.
C’est un monde où les points de repère et les institutions religieuses s’effacent, ou sont floues, surtout pour les plus jeunes.
Et cela dans le contexte d’une crise, où la foi chrétienne rencontre des objections fortes.
2/ Mais la deuxième image donne une impression plus positive.
On observe en effet un intérêt souvent accru pour de nouvelles formes de spiritualité. Et les grandes religions monothéistes – le christianisme, le judaïsme, l’islam -, sont fréquemment réinvesties à travers leur dimension intérieure, voire mystique.
L’expérience personnelle, et parfois corporelle, est souvent placée au centre de la vie spirituelle.
Une métamorphose des « figures de Dieu » est observée : souvent, on passe d’un Dieu lointain et extérieur à un Dieu intérieur qu’on rencontre au plus intime de soi.
Tout un courant théologique et chrétien tente de revenir à une conception d’un Dieu effacé, non puissant, caché et ineffable, que parfois certaines dérives de l’Église, au fil des siècles, ont pu faire oublier.
Repère 2. Sens du sacré et quête spirituelle
Les historiens nous disent que les hommes de la préhistoire n’étaient sans doute pas dans une vraie quête spirituelle personnelle, au sens où nous l’entendons aujourd’hui ; mais les mêmes historiens nous disent souvent également que ces hommes « éprouvaient le sacré » (expression de Frédéric Lenoir)[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien].
L’expérience du sacré est une expérience naturelle constitutive de l’homme. C’est une expérience première, un ressenti, une expérience spontanée, à la fois individuelle et collective, de notre présence au monde.
Le mot « sacré » peut être mal perçu parfois[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Certains théologiens utilisent le mot « numineux » pour désigner ce sacré originel, caractérisé par un sentiment où se mêlent la nouveauté, le trouble et l’émerveillement.
C’est une expérience que l’on peut parfaitement faire aujourd’hui. On peut être bouleversé face à l’océan, dans le désert, devant de beaux paysages, éprouver l’immensité du cosmos, et en être ému.
La reconnaissance du sacré, ou du numineux, voilà quelque chose qui apparait comme étant différent, de la quête spirituelle ; c’est une expérience antérieure et moins élaborée ; et en même temps comme quelque chose de plus universel et plus ancien.
Si cela est vrai, une question mérite réflexion : peut-on être aujourd’hui dans une quête spirituelle sans avoir le sens du sacré, du numineux ?
Repère 3. Les grandes traditions spirituelles
L’histoire des grandes traditions spirituelles peut nous éclairer. Sans doute faudrait-il « embrasser large », sans oublier l’Orient. Écouter par exemple, et parmi de nombreuses autres traditions, ces voix qui nous viennent de l’Inde avec la religion des Védas, ces livres sacrés des hindous et plus tard les enseignements des Upanishad ; avec le bouddhisme originel et l’idée de nirvana (cet état de plénitude).
Mais faute de temps, focalisons notre attention sur les grands courants de spiritualité dans l’histoire chrétienne. Écoutons ce que dit l’encyclopédie catholique « Théo » [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] :
« Chaque époque voit surgir des hommes et des femmes, saisis par l’Esprit du Christ à travers les événements de leur temps (...). On peut citer ainsi les spiritualités augustinienne, bénédictine, carmélitaine, franciscaine, dominicaine, ignacienne. (...). Ainsi naissent de nouvelles façons de vivre l’Évangile, d’aimer, d’être présent aux plus défavorisés, de travailler à leur libération, d’aider à un monde plus fraternel. Ces hommes et femmes sont de leur temps, mais ils sont ouverts à l’universel, ils dépassent leur époque par leur intuition. »
Théo ajoute : « De nouveaux courants ont vu le jour, par exemple, au siècle dernier, la spiritualité inspirée par le père Charles de Foucauld. » D’où cette question encore : quels nouveaux courants spirituels aujourd’hui ? Et de quelles formes ?
Repère 4. Religion et spiritualité
Précisons le sens des deux mots : religionet spiritualité.
1/ Quand on parle de « religion », nous portons naturellement nos regards vers les grandes religions : christianisme, islam, bouddhisme …etc. Selon une expression du Père Joseph Moingt, jésuite, une religion propose « une expression publique et sociale de la foi ‘’ ».
Cette définition évoque aussitôt le rassemblement des fidèles, la lecture et le commentaire de textes sacrés, les rites et cérémonies, les comportements des personnes et des groupes, et enfin, bien sûr, une organisation administrative plus ou moins souple.
2/ La spiritualité, même si elle relève du même domaine que la religion, doit en être distinguée. Elle concerne les personnes plus que les groupes, même si de nombreux groupes ont une spiritualité commune. Car elle part d’une expérience individuelle.
Il est en effet donné à beaucoup d’êtres humains d’expérimenter des moments de grâce, où ils sont traversés par quelque chose qui les dépasse, une entrée de l’Infini dans leur monde quotidien, un éveil à l’Immense. Eugène Ionesco décrit un de ces moments-là: « Le ciel me semblait plus près, presque palpable, je ne peux dire qu’intensité, densité, présence, lumière».[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Repère 5. La « force vive » de la spiritualité
Au-delà des mots, sur le fond et l’essentiel, évoquons ce qui au cœur de expérience spirituelle : la force vive de la spiritualité...
Le frère Benoît Billot nous aide à aller à cet essentiel[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Dans une interview, on lui pose la question : « Peut-on parler d’une impression de ravissement ? Devant la beauté d’une musique, d’un paysage, d’un tableau ? «
Il répond :
« Bien sûr. Mais il ne faut pas confondre cette expérience avec une émotion esthétique. Elle peut en effet naître de la beauté, mais à condition que cet instant de lumière suscite un changement de conscience, un nouveau regard sur la réalité et entraîne un changement de vie. (...). Ce qu’il faut remarquer, c’est que dans une vie humaine, il est des moments d’intensité qui changent le cours des choses ».
Il précise ce que peuvent être ces moments d’intensité :
« Ceux qui en sont les bénéficiaires ont été comme visités par une Réalité hors du quotidien, une présence qui les dépasse. Leurs yeux s’ouvrent, leur conscience du quotidien, celle qui leur permet de gérer leurs occupations de tous les jours, a fait provisoirement place à une autre conscience, que je pourrais appeler « conscience de la profondeur ».
Il ajoute l’exigence d’un « travail intérieur » :
« Il est important de rechercher les moyens d’être fidèles à cet instant de grâce, de ne pas perdre la qualité de conscience qui en avait jailli. Ceux qui persévèrent finissent par trouver un chemin, souvent un groupe, parfois un guide, en tous cas un travail intérieur qui leur permettra d’honorer cette expérience fondatrice : elle pourra illuminer tous les niveaux de leur personne et les transformer. »
Il dit encore :
« De tels moments de lumière peuvent faire naître chez un être le désir de donner sa vie, ses forces, son intelligence à quelque chose qui le dépasse, et le refus de se contenter d’une aisance matérielle et d’une reconnaissance sociale. »
Repère 6. Critères de discernement
Comment s’assurer de l’authenticité d’une spiritualité ? Les accompagnateurs spirituels sont très attentifs à l’exigence de discernement en ce domaine. Voici plusieurs critères qui peuvent éclairer le jugement [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] :
1/ Considérer l’équilibre de la vie quotidienne. Celui qui mène sa vie, - familiale, professionnelle, sociale-, de façon responsable, est probablement moins guetté que d’autres par des déviances dans le domaine spirituel.
2/ Accorder de l’importance aux rencontres régulières avec une communauté de tradition religieuse (chrétienne si vous êtes chrétiens...).. Avec tous les «frottements » que cela implique, particulièrement la participation aux offices, et rites traditionnels, à la méditation des textes sacrés, et autres rencontres. Tout cela assure une régulation salutaire.
N.B. Benoit Billot précise : « Il me faut relativiser ce critère en remarquant que bien des personnes ont une vie spirituelle forte en dehors de toute tradition. »
3/ Prêter une grande attention à la qualité du désir et à la durée dans le temps. C’est la fidélité dans le temps. Si quelqu’un, depuis des années, nourrit sa vie intérieure et persévère dans son engagement, s’il ne se contente pas de flashes épisodiques de vie spirituelle, nous avons affaire à un authentique chercheur d’Infini.
4/ Observer la valeur de l’engagement de la personne. L’expérience spirituelle peut avoir comme conséquence le pire comme le meilleur. Le pire : l’adhésion aveugle et sectaire à n’importe quelle idéologie. Le meilleur : l’entrée dans une vraie vie spirituelle, le dévouement à de grandes causes humanitaires, la lutte contre tous les asservissements…
Un autre critère, de nature différente, est souvent énoncé par les responsables des grandes traditions. On entend cela aussi bien du côté des Églises chrétiennes que, par exemple, du côté des bouddhistes, avec le Dalaï-lama. Benoit Billot le formule ainsi :
« Le dialogue interreligieux n’est fécond que si chacun est pleinement enraciné dans sa propre tradition et sa propre foi. Il ne s’agit pas de tomber dans une sorte de syncrétisme où on se ‘’bricole’’ sa propre spiritualité, mais d’entrer avec respect dans la maison de l’autre et d’accueillir les cadeaux, souvent inattendus, qu’il nous fait » [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien].
Du côté de la question...
Dans ce sens, nous vous proposons quelques questions, ou plutôt une question, que vous pouvez décliner, comme vous le souhaitez, en une seule fois, ou en plusieurs temps. Peu importe, ce qui compte, ce n’est pas d’arriver à des réponses impeccables, mais de cheminer, en soi-même, et/ou ensemble.
« Dieu n’est pas du côté de la réponse, mais du côté de la question » (Francine Carrillo)
Voici ces questions ;
1/ La spiritualité dans ma vie, dans nos vies : quelle place ? Qu'est-ce qui en est le ressort, la racine, la source ? Un besoin, un désir ...?
Ou encore..... ?
2/ Est-ce que « cela » m’aide, - nous aide -, à avancer ?
Un peu, beaucoup, passionnément..., ou pas du tout ?
En quoi ?
3/ Cette spiritualité, me conduit-elle vers moi, ou vers « l’autre que moi" ? Quel autre/Autre ?
Michel Brugvin
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Voir en ce sens, « Dieu », Fréderic Lenoir, entretien avec Marie Drucker,Robert Laffont, octobre 2011
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] « Le nouveau Théo, l’encyclopédie catholique pour tous », (Mame, Paris ,2009), précise les choses :
« L’expérience du sacré est une expérience naturelle constitutive de l’homme. C’est une expérience première (...)
(...)Le judéo –christianisme s’est, dans ses principes, fortement opposé à cette vision sacrale du monde. Pour donner ou rendre à Dieu sa grandeur, c'est-à-dire sa transcendance, toute la Bible est comme un immense effort de désacralisation de la nature. (...) Aujourd’hui, on peut penser que la lutte contre une conception sacrale du monde a parfois dépassé ses objectifs. Au nom de la nécessaire désacralisation du monde, on a pu en effet refuser l’expérience du sacré qui est fondamentale à l’homme et que les chrétiens ne peuvent ni ne doivent rejetée. »
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Théo « Le nouveau Théo, l’encyclopédie catholique pour tous », Mame, Paris , 2009
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Voir en ce sens ; « Comment peut-on être chrétien ? », Interview du Frère Benoit Billot, par Colette Mesnage, [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], Gordes (Vaucluse), Collection Essais, 2009)
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Op. cité
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Là encore nous nous inspirons des propos du frère Benoit Billot (« Comment peut-on être chrétien ? », livre déjà cité). Nous les synthétisons en plusieurs points. Cette formulation n’engage que moi. Que le frère Benoit nous pardonne les simplifications abusives de son texte, toujours très nuancé...
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Interview de Benoît Billot paru dans « Panorama » (décembre 2009, n°460)
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