Merci Myriam pour ce beau message (lu un peu tardivement…mais le temps a-t-il une importance quand on a l’éternité devant soi… ?) . Je ne connaissais pas ce site que j'ai trouvé très positif et qui ferait bien d'être médité par nombre de nos excités du djihad !
J'ai le souvenir d'une conversation avec un ami musulman à qui j'avais demandé s'il estimait comme impossible qu'un musulman pratiquant son oraison personnelle (cinq prières par jour), puisse y incorporer une méditation sur les différents versets du
Notre Père (que je lui avais détaillés)...
Comme il n'y trouvait aucune incompatibilité, je me suis surpris à rêver à l'amorce d'un "
vivre ensemble"
dans le domaine spirituel….Il semble d'ailleurs, que cette proximité spirituelle soit déjà une réalité lors de rencontres amicales entre croyants de différentes confessions.
Beaucoup plus à l’Est se développait le boudhisme, autre tradition très ancienne et notamment au Tibet . J’avais eu l’occasion de m’initier à la pratique du Tonglen dont je donne l’essentiel dans le texte ci-dessous. Le tonglen, pratique de méditation bouddhiste (cf wikipedia), apprend à absorber ce qui est négatif pour le restituer sous forme positive ; c’est un échange de soi-même avec autrui : sur l'inspiration du souffle, on prend sur soi avec compassion la souffrance d'autrui, une personne précise ou le monde entier ; sur l'expiration, on redonne de la bienveillance et de la paix. On y retrouve ainsi l’importance du souffle dans l’exercice de la méditation.
Pratique du TONGLEN Tibétain
LA COMPASSIONLa compassion est un sentiment beaucoup plus grand et noble que la pitié. La pitié prend ses racines dans la peur et comporte un sentiment d'arrogance et de condescendance,voire une certaine suffisance : « Heureusement, je ne suis pas à sa place. » Comme le dit Stephen Levine : « Lorsque votre peur rencontre la douleur d'autrui, elle devient pitié ; lorsque c'est votre amour qui rencontre cette douleur, il devient compassion. » S'entraîner à la compassion, c'est donc se souvenir que tous les êtres humains sont semblables et souffrent de la même façon. C'est honorer tous ceux qui souffrent et savoir que vous n'êtes ni distinct d'eux, ni supérieur à eux.
Ainsi, votre réaction immédiate à la souffrance de l'autre devient non pas simple pitié, mais profonde compassion. Vous éprouvez du respect et même de la gratitude envers cette personne, car vous savez désormais que quiconque, par sa souffrance, vous incite à développer votre compassion, vous fait en réalité le plus beau des cadeaux. Il vous aide, en effet, à développer la qualité dont vous aurez le plus besoin dans votre progression vers l'éveil. C'est pourquoi nous disons au Tibet que le mendiant qui vous demande de l'argent ou la vieille femme malade qui vous brise le cœur sont peut-être des bouddhas déguisés, se manifestant sur votre route afin de vous aider à développer votre compassion et à progresser ainsi vers la bouddhéité.
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TONGLEN« Tonglen est une pratique bouddhiste mais je suis fermement convaincu que tout le monde, sans exception, peut le pratiquer. Même si vous n'avez aucune foi religieuse, je vous encourage, tout simplement, à l'essayer. J'ai découvert que l'aide apportée par tonglen était précieuse entre toutes.
Pour l'expliquer très simplement, la pratique de tonglen- donner et recevoir - consiste à prendre sur soi la douleur et la souffrance des autres, et à leur donner votre bonheur, votre bien-être et la paix de votre esprit.
« Donner et recevoir doivent être pratiqués alternativement. Cette alternance doit être placée sur le support de la respiration. »
« De par ma propre expérience, je sais combien il est difficile d'imaginer que l'on prend sur soi la souffrance des autres, et particulièrement celle des malades ou des mourants, sans avoir au préalable établi en soi la force et l'assurance de la compassion. Ce sont cette force et cette assurance qui donneront à votre pratique le pouvoir de transmuter leur souffrance.
« C'est pourquoi je recommande toujours de pratiquer tonglen pour vous avant de le pratiquer pour autrui. Avant de diriger vers les autres votre amour et votre compassion, découvrez-les, approfondissez-les, créez-les et renforcez-les en vous-même. Guérissez-vous de toute réticence, détresse, colère ou peur qui pourraient vous empêcher de pratiquer tonglen de tout votre cœur.
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Tonglen pratiqué sur soi-même.
Pour accomplir cet exercice, divisez-vous en deux aspects
, A et B. A est l'aspect de vous qui est sain, empli de compassion, chaleureux et aimant, tel un ami véritable, réellement désireux d'être là pour vous, à votre écoute et ouvert à ce que vous êtes, sans jamais vous juger, quels que soient vos défauts ou vos faiblesses.
B est l'aspect de vous qui a été blessé, celui qui se sent incompris et frustré, amer ou en colère. Il a peut-être été injustement traité - ou même maltraité - dans l'enfance. Il a souffert dans ses relations personnelles ou a été victime d'injustice sociale.
En
inspirant, imaginez que A ouvre complètement son cœur, accueille et embrasse avec chaleur et compassion toutes les souffrances, négativités, douleurs et blessures de B. Emu, B ouvre lui aussi son cœur et toutes ses douleurs et souffrances disparaissent dans cette étreinte emplie de compassion.
En
expirant, imaginez que A envoie à B tout le pouvoir réparateur de son amour, toute sa chaleur, sa confiance, son bien-être, son assurance, son bonheur et sa joie.
LA PRATIQUE PRINCIPALE DE TONGLEN
Dans la pratique de tonglen - donner et recevoir – nous
prenons sur nous, par la compassion, toutes les souffrances diverses mentales et physiques, de tous les êtres - leur peur, frustration, douleur, colère, culpabilité, amertume, doute et agressivité - et leur
donnons, par notre amour, tout notre bonheur, bien-être, sérénité, apaisement et plénitude.
1 Avant de commencer cette pratique, asseyez-vous tranquillement et ramenez l'esprit en lui-même. Puis, parmi les méthodes et les exercices que je vous ai décrits, choisissez celui qui vous inspire le plus et que vous trouvez personnellement efficace, et méditez profondément sur la compassion.
Invoquez la présence de tous les bouddhas, bodhisattvas et êtres éveillés, demandez leur aide afin que, par leur grâce et leur inspiration, la compassion puisse naître dans votre cœur.
2. Imaginez en face de vous, de façon aussi vivante et émouvante que possible, une personne qui vous est chère dans une situation de souffrance. Essayez d'imaginer tous les aspects de sa douleur et de sa détresse. Puis, lorsque vous sentez que la compassion envers cette personne ouvre votre cœur, imaginez que toutes ses souffrances se manifestent et se rassemblent sous la forme d'un épais nuage de fumée chaude, noirâtre et sale.
3. Ensuite, en inspirant, visualisez que ce nuage de fumée noire se dissout avec votre inspiration au centre même de la fixation égocentrique, situé au niveau de votre cœur. Il détruit complètement en vous toute trace d'amour de soi immodéré, et purifie ainsi tout votre karma négatif.
4. Imaginez, une fois la fixation égocentrique détruite, que le cœur de votre esprit d'éveil - votre Bodhicitta (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] : éveil ;
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] : cœur-esprit) - se révèle dans sa plénitude totale. Puis, en expirant, imaginez que vous envoyez à votre ami dans la douleur la lumière radieuse et rafraîchissante de paix, de joie, de bonheur et d'ultime bien-être de votre esprit d'éveil, et que ses rayons purifient entièrement son karma négatif.
A ce point, il me semble inspirant d'imaginer, comme le suggère Shantideva, que la Bodhicitta a transformé votre cœur- ou même votre corps et votre être tout entiers - en une pierre précieuse étincelante, un joyau qui peut exaucer les souhaits et les désirs de chacun et leur procurer exactement ce à quoi ils aspirent et ce dont ils ont besoin. La compassion authentique est ce joyau qui exauce tous les souhaits, parce qu'elle a le pouvoir intrinsèque de procurer à chaque être précisément ce qui lui manque le plus, et de soulager ainsi sa souffrance en lui apportant la plénitude véritable.
5. Ainsi, au moment où la lumière de votre Bodhicitta jaillit et atteint votre ami dans la douleur, il est essentiel que vous soyez fermement convaincu que tout son karma négatif
a été réellement purifié, et que vous ressentiez la joie profonde et durable de le savoir entièrement libéré de sa souffrance.
Poursuivez alors régulièrement cette pratique au rythme normal de votre respiration.
Pratiquer tonglen pour un ami dans la douleur vous aide à amorcer le processus d'élargissement graduel du cercle de la compassion qui vous permettra de prendre sur vous la souffrance de tous les êtres, de purifier leur karma et de leur offrir votre joie, votre bien-être et votre sérénité. Tel est l'objectif merveilleux de la pratique de tonglen et, plus généralement, celui de la voie de la compassion tout entière.
PRATIQUER TONGLEN POUR UNE PERSONNE MOURANTEJe pense que vous commencez sans doute à comprendre, à présent, comment tonglen pourrait être dirigé de façon spécifique vers l'aide aux mourants, quelle force et quelle confiance cette pratique pourrait vous donner lorsque vous les assistez, et quelle aide véritable elle pourrait offrir pour transformer leur souffrance.
Je vous ai exposé la pratique principale de tonglen. Imaginez à présent la personne mourante à la place de votre ami dans la douleur. Parcourez exactement les mêmes étapes que dans la pratique principale. Dans la visualisation de la troisième étape, imaginez que tous les aspects de souffrance et de peur de la personne mourante se rassemblent en un gros nuage de fumée chaude, noirâtre et sale que vous inspirez. Considérez également qu'en agissant de la sorte, vous détruisez comme auparavant fixation égocentrique et amour de soi immodéré, et purifiez la totalité de votre karma négatif.
Imaginez à présent qu'en expirant, la lumière émanant du cœur de votre esprit d'éveil emplit la personne mourante de sa paix et de son bien-être et purifie tout son karma négatif.
A chaque instant de notre vie, nous avons besoin de compassion, mais quel moment plus pressant pourrait-il y avoir que celui de l'approche de la mort ? Quel cadeau plus merveilleux et plus réconfortant pourriez-vous offrir au mourant que de lui donner l'assurance que vous priez pour lui et qu'en pratiquant à son intention, vous prenez sur vous sa souffrance et purifiez son karma négatif ?
Même s'il ne sait pas que vous pratiquez pour lui, vous l'aidez et lui vous aide en retour. Il vous aide
activement à développer votre compassion, et ainsi à vous purifier et à vous guérir. A mes yeux, chaque personne mourante est un maître, offrant à tous ceux qui l'aident l'opportunité de se transformer en développant leur compassion.
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Ce grand secret de la pratique de tonglen est connu des maîtres spirituels et des saints de toutes les traditions. Le vivre et l'incarner, dans l'abandon et la ferveur d'une sagesse et d'une compassion véritables, est ce qui emplit de joie leur existence.
Une figure contemporaine qui a consacré sa vie au service des malades et des mourants et qui rayonne cette joie de « donner et recevoir » est
Mère Teresa. Je ne connais pas de déclaration plus inspirante à propos de l'essence spirituelle de tonglen que ses paroles :
Nous avons tous l’ardent désir d'être avec Dieu dans son royaume, mais il est en notre pouvoir d'être dans son royaume avec Lui en cet instant. Cependant, être heureux avec Lui, maintenant, signifie :Aimer comme Il aime,Aider comme II aide,Donner comme Il donne,Servir comme II sert,Sauver comme Il sauve,Etre avec Lui chaque heure et chaque seconde,Le rejoindre là où Il a pris les apparences de la détresse. (Extrait du livre « le livre tibétain de la vie et de la mort »par
Sogyal Rinpoché (Editions de la Table Ronde) Pages 267 à 277)